Le coronavirus nous lance à tous un sacré défi.
A situation extraordinaire, organisation extraordinaire !
Les mesures évoluent jour après jour… Et les inquiétudes, les craintes, les questions sans réponses s’accumulent. Le confinement semble de plus en plus d’actualité, même si à ce jour il n’est pas encore annoncé. Chaque annonce ministérielle nous met face à nos peurs : la peur de ce virus, de ce qu’il va nous faire vivre, à nos proches, vulnérables, déjà malades… Face à cette peur il nous faut faire preuve de courage, et aussi d’espérance.
Mais comment faire ? Comment gérer le télé-travail avec les enfants censés poursuivre leur programme scolaire ? Comment contenir la crainte de nos enfants ? Comment s’occuper de nos anciens ? Comment nous, parents, tenir bon, ne pas « péter un cable » ? Comment tenir bon dans notre couple, alors que déjà ce pouvait-être compliqué, tendu ?
Se dire que ça va être compliqué, c’est complètement légitime. Se dire qu’on va se sentir seul(e), c’est bien naturel.
Mais si la question n’était pas la bonne ?
Si au lieu de « comment faire », nous nous posions la question de « comment être ? »
Quelque part, cette situation extraordinaire nous pousse à regarder nos liens en face, et à en prendre soin.
ÊTRE AVEC MOI-MÊME :
Être bien avec soi, c’est à la mode. Mais souvent on cherche à être bien avec soi, en oubliant que réside en soi un désir plus profond: être bien avec les autres.
Prendre soin de soi a un objectif bien précis. C’est indispensable, parce que si je ne le fais pas, je ne vais pas pouvoir répondre autant que je le veux à un désir brûlant en moi : être en relation, donner ce que je suis aux autres, recevoir ce que l’autre cherche à m’offrir. Prendre soin de soi est au service de notre désir d’aimer, et d’être aimé.
Dans cette période où je vais être davantage avec mes enfants, comment est-ce que je prends soin de mon être ?
Est-ce que j’accorde à mon être des pauses, des temps OFF, sans RIEN ? Des pauses sans info, sans réseaux sociaux, sans lecture de la dernière recommandation de la cousine (peut-être médecin) de la voisine de l’oncle de mon mari ?
Et finalement, un temps off, c’était quand le dernier? Un vrai ?
Vous savez ces pauses qui au départ ne sont pas tout de suite agréables parce que tout ce que nous avons à faire revient sans cesse, comme un petit vélo programmé qui tourne tout seul dans notre tête. Des pauses, où j’apprends à regarder et à m’émerveiller de ce qui est là, tout près de moi, où je me lève tôt, en silence, pour m’octroyer le droit d’un petit-déjeuner en silence, où je parle seul(e) à qui voudra bien écouter le cri de mon cœur, où je ne lis PAS « Tout tout tout ! Vous saurez tout sur le coronavirus ».
Être AVEC LES AUTRES :
- Mon/ ma conjoint(e)
Le plus grand défi de ces jours à venir va être pour beaucoup de respecter l’engagement familial et professionnel de mon/ma conjoint(e). S’arrêter comme ça, du jour au lendemain pour s’occuper de travail scolaire mais aussi de princesses, de tour de Kapla et légo, ça fait pas forcément rêver. Et pourtant… (j’y reviens plus loin)
Mesurer l’importance de son travail par rapport à celui de l’autre n’est pas ce qu’il y a de mieux… Qui va s’arrêter ?Quand on n’a pas possibilité de mode de garde l’un et/ou l’autre vont devoir prendre des dispositions. Certains seront réquisitionnés, cela viendra stopper les discussions mais cela peut rester amer dans les cœurs… Si le confinement est de rigueur, cela sera sans doute encore plus clair.
Alors que faire ? Débattre pendant des heures ?
Il s’agit au contraire de s’encourager et d’écouter la réalité de l’autre. Quelle est la vérité de mon/ma conjoint(e) ? Que défend-il(elle) ? Finalement de quoi suis-je fier(e) dans sa façon de s’engager familialement, professionnellement ? Est-ce que je suis capable d’entendre son inquiétude sans la juger, la minimiser, en rire ? C’est une opportunité pour le couple de montrer à l’autre que nous reconnaissons que ce qu’il est, ce qu’il défend a de la valeur à nos yeux, que son investissement nous en sommes fiers, que ses craintes pour son entreprise nous les mesurons avec lui/elle, que ses doutes sur sa capacité à gérer les enfants tout ce temps sont compréhensibles.
Si nous reconnaissons ce que fait notre conjoint(e), alors nous reconnaissons celui qu’il/elle EST.
Quand nous offrons à l’autre cette reconnaissance, que nous l’encourageons (sans conseil), que nous lui proposons notre aide nous donnons alors de la valeur à notre lien, nous le reconnaissons comme premier. Et c’est alors que nous prenons soin de l’autre, mais aussi de soi, en écoutant notre plus grand désir.
Vous l’aurez compris : le défi est de rejoindre la réalité de l’autre telle qu’il ou elle la vit, de reconnaître cette réalité comme valable, de ne pas la juger, et d’y déployer beaucoup de tendresse. Si cela est vrai dans une situation ordinaire, ça l’est encore plus dans une situation extraordinaire.
Être avec les ENFANTS :
Et si ce temps où nous allons côtoyer davantage nos enfants devenait un temps pour prendre soin de nos liens si chahutés par nos emplois du temps surchargés ? Et si nous apprenions à monter une tour de lego, à lire 4 histoires à la suite en plongeant vraiment dedans, à dessiner par terre sur le carrelage, à goûter en laissant les miettes sous la table ? Et si nous nous laissions envahir par l’univers fabuleux de nos enfants en nous mettant à leur hauteur ?
Concrètement c’est oser, accepter, tenter de me mettre par terre avec lui pour retrouver l’esprit de simplicité. Souvent, pour nous autres adultes responsables, cela nécessite une petite décision, en parlant à son petit vélo, qui saura nous rappeler nos nombreuses obligations à peine la seconde planche de Kapla posée …
Nous pourrions lui dire : « Ah oui salut petit vélo, tu es là ; oui écoute, c’est pas le moment, tu vois, pour une fois, je voudrais mener ma vie comme je l’entends, ok ? Merci pour tout ce que tu me rappelles sans cesse, et pour ton insistance redoutable, mais là tu vois… c’est l’heure de la tour de KAPLA, et crois-moi c’est plus important que tout! A plus ! » Je vous promets que si vous demandez au petit vélo de s’arrêter, avec un peu d’autorité et beaucoup de tendresse, il va se taire…. Mais lui avez-vous déjà demandé ?
Souvent la réponse est « non » parce qu’on estime toujours le petit vélo de notre tête bien plus raisonnable et censé que la petite princesse de 5 ans qui est en face de nous. (Perso, mon vélo est un vélo de compétition, croyez-moi).
Ainsi, vous allez vous émerveiller de votre enfant, remplir son réservoir affectif, vous allez nourrir votre être de légèreté et vous apaiser. C’est un vrai défi, parce que cela nécessite d’apprendre à stopper le vélo… de s’autoriser à ne pas se prendre au sérieux...
Votre être a soif d’autres choses que de ruminer ce que vous avez à faire. Il a soif de ruminer autres choses que le coronavirus, que les chiffres de votre entreprise, que le travail scolaire de votre collégien.
En vous mettant à la hauteur de votre enfant, vous laissez votre être se déployez ! Et vous verrez que votre vélo réfléchira mieux, sera moins agressif, aura de nouvelles idées, saura ralentir, et que ce n’est plus lui qui vous mènera par le bout du nez !
Croyons en nous, en l’autre, en nos enfants !
Ce temps est une occasion formidable de nous tourner vers notre conjoint(e), le plus petit, celui qui ne se rend pas compte de notre vie si difficile, de notre quotidien si rempli, celui que nous jugeons parfois comme étant trop jeune pour comprendre, trop immature pour bien faire, trop égoïste pour s’occuper de nous…. Le temps de nous arrêter avec nos enfants, de téléphoner aux personnes âgées de notre entourage, de rassurer cette maman si fatiguée…le temps d’échanger avec notre conjoint(e) que nous trouvons à côté de la plaque pour ECOUTER et nous rendre compte de sa réalité à lui, à elle.
Ce temps est celui de la petitesse, de la vulnérabilité, le temps de l’être. Il est celui qui nous pousse à quitter nos organisations pour mettre un petit mot dans la boite aux lettres de ce voisin dont le fils est atteint de mucoviscidose…
Et si ce temps qui nous pousse à prendre soin du plus petit que nous, à freiner notre productivité de travail, à rester chez soi, était une opportunité pour écouter les désirs de notre être : vivre et aimer.
Blandine Piotre, CCF, thérapeute de couple.
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